par Francis Collin
De telles fouilles, dites préventives, sont pratiquées avant des travaux d’urbanisme, pour mettre au jour d’éventuels vestiges historiques ou préhistoriques.
A l’issue de ces recherches sur le terrain, les archéologues poursuivent leur travail au laboratoire et publient ensuite un rapport de fouilles sur Internet. Ce qui permet de faire connaître un patrimoine enfoui depuis de nombreuses années.
Aujourd'hui la Charente-Maritime, et particulièrement ses côtes sont un lieu de vie prisé. Si nous sommes sensibles à cet environnement, nos ancêtres de la préhistoire devaient l’être tout autant.
Après une lecture attentive de rapports de fouilles concernant notre région, je vous propose de les rejoindre au Néolithique (du Ve au IIIe millénaire av. J.-C.), période qui fut suivie par l’Âge du Bronze.
Tout chantier de fouilles débute par un décapage de la terre brune de surface. La roche calcaire – blanche dans notre région – mise à nu, on découvre d’éventuels fossés et cavités creusés autrefois par l’homme, comblés ensuite pendant l’occupation humaine ou après l’abandon du site. Leur contenu (fragments de céramique, d’outils en pierre, de coquilles, d’os, de graines…) méthodiquement récolté et analysé par les archéologues, est un « trésor » à partir duquel ils vont pouvoir faire revivre les hommes du Néolithique.
Depuis qu’ils pratiquaient l’agriculture, ces hommes vivaient en communautés sédentaires dans des villages situés sur des éminences ou dans des vallées, à proximité de sources d’eau, de forêts et de terrains cultivables.
Les villages étaient ceinturés de fossés plus ou moins importants, dont les talus étaient surélevés de palissades de bois.
A l’intérieur de ces enceintes, les habitants ont érigé des bâtiments en bois et torchis, couverts de chaume, pour s’abriter avec leurs bêtes et leurs récoltes. La terre destinée à faire le torchis a été prélevée autour de la maison, creusant ainsi un fossé qui a servi par la suite de dépotoir (le trésor des archéologues !)
Certains enclos de pierres sèches étaient réservés aux ateliers où des artisans ont pratiqué diverses activités : production de céramiques, d’outils en pierre, de parures de coquillages…
En effet, avec la sédentarisation, de nouveaux besoins sont apparus pour le défrichage et l’agriculture, par exemple des outils emmanchés en pierre polie plus tranchante ou des céramiques pour le stockage et la cuisson des aliments.
A chaque époque et à chaque région son style et son décor de céramique, dont la comparaison permet aujourd'hui de dater les vestiges retrouvés sur différents sites. L’évolution du style des objets produits au cours du temps, a conduit les archéologues à distinguer deux cultures néolithiques successives en Saintonge : celle des Matignons (3900 à 3200 av. J.-C.) et celle des Peu-Richardiens (3400 à 3200 av. J.-C.).
Des céramiques et certains outils en pierre polie fabriqués par ces Néolithiques saintongeais ont été retrouvés sur des sites proches de la Loire. Vu leur poids, on pense qu’ils y ont été transportés par voie maritime. Ce qui atteste l’existence d’échanges commerciaux le long de la côte atlantique par cabotage, mais également à l’intérieur des terres par les rivières.
Au début du Ve millénaire av. J.-C., après des dizaines de milliers d’années de nomadisme, les chasseurs-cueilleurs ont été peu à peu supplantés par des colons danubiens venus d’Europe centrale.
Ces colons, porteurs de techniques nouvelles, ont défriché des parcelles au sein de la forêt de chênes pour pratiquer l’agriculture et l’élevage des quatre animaux domestiqués au Moyen-Orient : la vache, le mouton, la chèvre et le porc. En apportant des semences ils ont aussi introduits des plantes nouvelles comme le coquelicot, parfois si abondant dans les champs de céréales.
Dans les fossés comblés des villages néolithiques on a retrouvé de nombreux outils de broyage et de mouture en pierre, ainsi que quantité de graines de céréales, ce qui confirme qu’elles étaient cultivées pour préparer des galettes et des bouillies.
Cette alimentation était complétée par les produits de l’élevage (viande et lait), de la cueillette de fruits sauvages (pommes, noisettes, mûres ; des glands ont été retrouvés dans les fossés), et de gibier.
A cela, il faut ajouter, pour les populations du littoral, la consommation de poissons et de coquillages (coques, moules, patelles, huîtres, Saint-Jacques).
Les analyses des graines retrouvées dans huit sites de fouilles en Normandie ont révélé une liste de plantes cultivées au Néolithique (5000 av. J.-C.) : amidonnier, engrain, blé tendre, deux espèces d’orge, millet, pois, lentille, féverole et œillette.
Mieux logée, mieux nourrie et à l’abri dans ses villages, la population Néolithique s’est accrue beaucoup plus rapidement que par le passé.
La sédentarisation a eu deux conséquences néfastes sur les conditions sanitaires des communautés villageoises.
D’une part, une plus grande promiscuité avec les animaux domestiques a facilité les échanges de microbes entre eux et les humains. Les animaux porteurs sains ont transmis à l’homme des virus qui, après mutation, sont parfois devenus pathogènes causant des maladies infectieuses comme la grippe.
D’autre part, la promiscuité entre les humains due à l’augmentation de la population a favorisé la transmission de maladies contagieuses suivie d’épidémies ravageuses qui se sont succédées régulièrement de la préhistoire à nos jours.
Jusqu’à présent aucune fouille n’a révélé la présence de vestiges de cette époque, sauf au Cormier, où les fouilles de 2014 ont révélé un ensemble funéraire d’enclos fossoyés (avec des fossés) du début de l’Âge du Bronze (2200 av. J.-C.).
Toutefois, l’emplacement du centre-bourg actuel paraît un site favorable à une telle installation : une éminence dominant le marais, la présence de deux sources proches, un plateau forestier jusqu'au bois de Millard.
Un jour, peut-être, des fouilles révéleront des vestiges d’une occupation humaine ancienne au cœur de la commune !
La rue de la Grosse Pierre pourrait attester d’une présence humaine à l’époque des mégalithes (dolmens), au IIIe millénaire avant J.-C.
Fouilles de 2014 au Cormier. La terre brune a été décapée, laissant apparaître la roche calcaire claire. On voit deux enclos funéraires contigus dont les fossés circulaires ont été comblés naturellement par de la terre brune. Deux archéologues font des prélèvements dans la terre de remplissage des fossés. Ils y ont trouvé des éléments (céramiques, outils) qui leur ont permis de dater ces enclos de l’Âge du Bronze (2200 av. J.-C.).
Les passionnés de préhistoire ne sont pas aussi gâtés dans notre région qu’en Dordogne, mais il y a de quoi satisfaire leur curiosité.
Le Château de la Roche-Courbon renferme dans son parc une petite vallée bordée d’une falaise entaillée de grottes qui ont été occupées par les hommes de Néandertal, voici 50 000 ans environ. Le musée, situé dans la tour, présente des collections retraçant l’occupation du site par l’homme à différentes époques de la préhistoire.
Le Paléosite de Saint-Césaire, proche de Saintes. Ce musée a été créé en 2005 juste à côté de la grotte où l’on a découvert le squelette très partiel attribué à Pierrette, une Néandertalienne qui a vécu là 36 000 ans av. J.- C.
Les Tumulus de Bougon, à une vingtaine de km au nord de Melle, avec leur musée, offrent la découverte de vastes dolmens bâtis 4700 ans avant J.-C.
Sources Internet :
Les premiers paysans du Néolithique en Normandie. Exposition présentée par le Muséum d’histoire naturelle du Havre (2007-2008).
Le Néolithique récent de l’Ouest de la France. Thèse soutenue à Rennes le 11 octobre 2012 par Audrey Blanchard.
Long house du musée archéologique de Biskupin en Pologne. Ses restes, très bien conservés, ont été retrouvés dans un sol tourbeux en 1950 et datés du début du IVe millénaire. Cette reconstruction a été faite à l’emplacement des vestiges retrouvés. Elle mesure une vingtaine de mètres de longueur, comme l’originale. A défaut, d’une telle reconstitution en Charente-Maritime, celle-ci permet de se faire une idée des habitations néolithiques.