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Accident ferroviaire à Saujon

 

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                                                                                  Par Robert Tessier

 

 

 

En 1909 ou 1910, je ne me souviens plus exactement de l’année:
J’étais en vacances depuis le mois de juillet chez la Grand’mère Frézil à Vaux-sur-Mer. Ma mère devait venir pour le 15 août, amener mon frère pour me retourner de façon à ce que nous profitions l’un et l’autre de ces vacances scolaires. Le 15 août tombant un dimanche, jour de relâche pour la boulange, elle profita de cette journée de repos pour faire le voyage par le " train de plaisir " que les chemins de fer organisent tous les dimanches pendant la saison estivale pour permettre aux Bordelais de venir passer la journée aux bains de mer pour un prix réduit. Le train étant au complet bien avant le départ, il fallu rajouter quelques wagons pour tous les gens qui avaient pris leur billet et se trouver sans place. Bien leur en prit et c’est probablement ce qui leur sauva la vie; ce train direct et sans arrêt de Bordeaux - Royan filait à plus de 80 ou 100 à l’heure lorsqu’en arrivant en gare de Saujon (10 km avant Royan), mal aiguillé, tamponna un train en stationnement. Ce fût terrible. Il y eut plus de 80 morts : une des plus grandes catastrophe de chemin de fer à ce moment là.

 

 

 

J’étais allé les attendre à la gare de Royan. L’heure d’arrivée étant dépassée depuis un moment... on nous annonça premièrement, qu’il y avait un retard. Ce retard se prolongeant, on finit par nous dire qu’il y avait eu un tamponnement en gare de Saujon... qu’il y avait quelques blessés... et que l’on ne savait l’heure où le train arriverait.

 

 

 

Comme les gens qui attendaient à la gare d’arrivée étaient les uns des parents, les autres des amis, ce fut fuite éperdue... de gens qui attendaient pour se rendre à Saujon, par voiture ou à bicyclette.

 

 

 

à moitié route, je rencontrai les premiers blessés qui pouvaient marcher et qui s’en venaient sur Royan.

 

 

 

Étant debout dans les couloirs, la plupart avaient quelques ecchymoses au front. Arrivé en gare de Saujon, je vis de suite que l’on transportait à l’hôpital, sur un brancard, une dame, la figure cachée par un mouchoir. Je la suivis de quelques pas mais ne reconnut pas celle que je cherchais. Je revins à la gare où je jetai un coup d’œil  dans la salle d’attente et, par la vitre, la porte d’entrée étant fermée à clef, j’aperçus des corps alignés, couchés les uns contre les autres. Ne pouvant entrer, je fis le tour par le portillon placé sur le côté et donnant accès au quai. J’aperçus ma mère en train de parler avec d’autres personnes, mon frère assis à l’entrée de cette salle (je dirais mortuaire). Heureux de les retrouver l'un et  l'autre sans mal. Ils attendirent pendant plus de deux heures que l’on reforme un train pour amener les rescapés en gare de Royan.

 

 

 

Malheureusement, combien furent-ils qui n’eurent pas la joie de revoir les leurs ? Arrivés à Royan, ma mère prit un voiturier qui l’amena avec Marcel à Vaux. Et le lendemain matin, ce fut mon tour de repartir avec ma mère, laissant Marcel à Vaux.

 

Mon père ayant appris cet accident par le père Bergey vers les 4 ou 5 heures de l’après-midi, qui le tenait de M. Lacour qui avait reçu un coup de téléphone et le tenait de je ne sais qui, pris ses dispositions pour s’en venir dès le lendemain matin par le  premier  train.                       

 


Par un hasard miraculeux, les trains se croisant à la gare de Cozes, ayant mis mon nez à la portière, ce qu’il avait fait lui aussi, nous nous aperçûmes. Mais son train ayant déjà pris trop de vitesse, le nôtre étant à l’arrêt. Il nous cria de descendre et d’attendre qu’il nous rejoigne. 20 minutes après être descendu du sien à la gare suivante, il nous rejoignit à pied par la voie ferrée. Nous allâmes déjeuner dans un restaurant de Cozes pour repartir un peu plus tard pour Bordeaux et arriver à Vayres vers les 6 heures du soir. La fête battait son plein.